À l’aube d’une nouvelle décennie décisive, le paysage automobile mondial se transforme radicalement. Sous la pression des normes environnementales et d’une volonté politique européenne d’abandonner la motorisation thermique dès 2035, plusieurs constructeurs majeurs annoncent des plans ambitieux pour accélérer leur transition vers l’électrique. Pourtant, cette mutation rapide s’accompagne de nombreux défis : frein de la demande, difficultés technologiques, compétition internationale féroce et incertitudes économiques.
Les engagements progressifs des constructeurs européens vers l’arrêt du thermique
Alors que la Commission européenne impose la fin des véhicules neufs propulsés par des moteurs thermiques à l’horizon 2035, plusieurs constructeurs anticipent cette échéance en fixant des objectifs intermédiaires allant de 2024 à 2030. Ces engagements révèlent non seulement un revirement stratégique mais aussi une course à l’innovation technologique dans le secteur explique blogautoavis.fr.
Renault, pionnier dans le domaine, vise déjà plus de 65% de véhicules électrifiés d’ici à 2025. Avec la commercialisation imminente d’une nouvelle version de la Renault 5 totalement électrique, le constructeur français entend séduire une clientèle plus large en proposant une voiture compacte et accessible, pensée pour la mobilité urbaine. Peugeot et Citroën, également acteurs majeurs du groupe Stellantis, suivent cette trajectoire avec l’objectif de réduire progressivement leur offre thermique et renforcer leur portefeuille électrique.
DS Automobiles, la marque premium de Stellantis, s’emploie à devenir 100% électrique dès 2024. La volonté se traduit par une gamme repensée intégralement autour de la motorisation électrique, ciblant un segment haut de gamme où l’innovation et le confort sont particulièrement attendus. Opel, historiquement connu pour ses modèles thermiques, s’est également engagé à adopter exclusivement des motorisations électriques d’ici 2028. Ce changement témoigne de la dynamique profonde qui traverse l’ensemble de l’industrie européenne.
À côté de ces acteurs du Vieux Continent, Jaguar Land Rover projette une transformation tout aussi radicale. Jaguar, emblématique du luxe britannique, annonce que toutes ses sportives seront 100% électriques dès 2025, anticipant ainsi l’extinction progressive des moteurs traditionnels au sein du groupe Tata. Volvo, racheté par le géant chinois Geely, a fixé le retrait total de ses voitures à combustion pour 2030, avec une montée en puissance rapide des ventes de véhicules électriques.
Plus globalement, ces marques expriment une volonté de prendre l’initiative avant que la réglementation européenne ne devienne contraignante, ouvrant ainsi la voie à une révolution industrielle et commerciale qui s’annonce complexe mais nécessaire. Ce volontarisme est cependant tempéré par une réalité plus nuancée du marché européen.
Les freins économiques et sociétaux à l’abandon rapide des moteurs thermiques
La transition vers les véhicules électriques rencontre encore des obstacles majeurs qui ralentissent son essor à grande échelle. Le premier frein est sans conteste le prix élevé des voitures électriques, un sujet central dans le débat français et européen en 2025. Alors qu’une voiture thermique moyenne s’acquiert autour de 37 000 euros, le coût moyen d’une électrique dépasse les 60 000 euros sur plusieurs marchés. Cette différence constitue un véritable barrage pour une majorité de consommateurs, surtout dans un contexte économique incertain et marqué par une inflation persistante.
Cette disparité tarifaire ne se limite pas au prix d’achat : le développement insuffisant des infrastructures de recharge, la durée de vie et le recyclage des batteries ainsi que le manque de familiarité avec la technologie d’électromobilité renforcent les hésitations des utilisateurs. Un rapport réalisé début 2025 auprès des automobilistes européens révèle que 73% des Français se montrent hostiles ou très réservés quant à l’adoption massive de la voiture électrique. Ces profils sont catégorisés en « électro-allergiques », « électro-sceptiques » ou « électro-prudents », illustrant un regard prudent voire défavorable, malgré les discours officiels sur l’urgence climatique.
Au-delà du consommateur, les industriels eux-mêmes tirent la sonnette d’alarme. L’acquisition des matières premières nécessaires à la production en masse de batteries, comme le lithium ou le cobalt, demeure problématique, notamment en Europe. Aucune stratégie pleinement viable ne garantit l’autonomie continentale dans ce domaine. Cette fragilité expose les constructeurs européens à une dépendance accrue vis-à-vis des fournisseurs chinois et américains, déjà bien implantés et de plus en plus performants technologiquement.
Face à ces défis, le chancelier allemand Friedrich Merz a publiquement demandé un report de l’interdiction pure et simple des moteurs thermiques neufs en Europe au-delà de 2035, soulevant ainsi un débat politique de fond. L’ACEA, représentant les constructeurs européens, appuie cette position en arguant que les projections actuelles s’appuient sur des hypothèses dépassées et des prévisions trop optimistes. Cette prise de conscience souligne l’inadéquation entre les ambitions réglementaires et la réalité économique et technologique.
Comparaison des stratégies d’électrification des grands constructeurs mondiaux
Dans un contexte globalisé, la compétition entre constructeurs est intense. Les groupes européens sont confrontés à la pression concurrentielle venue des États-Unis, de la Chine et de la Corée du Sud, où les acteurs poussent plus rapidement l’adoption des véhicules électriques.
Ford, l’un des leaders américains, s’est engagé à électrifier totalement ses véhicules commercialisés en Europe d’ici 2030, avec une adoption plus progressive à l’échelle mondiale. Son plan prévoit l’implantation de quatre usines spécialisées dans l’électrique aux États-Unis et des investissements massifs. L’ambition est claire : conforter sa position sur un marché en mutation et réduire son empreinte carbone.
Volvo, quant à lui, associé à Geely, atteint une transition complète vers l’électrique prévue pour 2030. Cette stratégie inclut la disparition totale des moteurs thermiques, même hybrides. Polestar, marque dérivée, vise un développement accéléré avec une entrée en bourse prévue pour soutenir cette montée en puissance du véhicule électrique.
Volkswagen ambitionne de vendre 50% de ses véhicules en version électrique dès 2030, avec un objectif « presque 100% » d’ici 2040 sur ses marchés majeurs. Le groupe allemand prévoit un investissement colossal de 73 milliards d’euros sur cinq ans pour concrétiser cette transition, anticipant ainsi la montée en puissance de Tesla et des autres acteurs innovants.
Chez Stellantis, le groupe français-italien qui rassemble Peugeot, Citroën, DS Automobiles, Opel et Fiat, la stratégie est d’abandonner progressivement les moteurs à combustion. DS et Lancia deviendront électriquement exclusifs dès 2024 et 2026, tandis qu’Alfa Romeo suit ce mouvement avec un objectif fixé à 2027. Fiat, plutôt prudent, attendra que les coûts des véhicules électriques se rapprochent des thermiques, un seuil attendu entre 2025 et 2030.
BMW a également annoncé des ambitions élevées, visant la vente de dix millions de voitures entièrement électriques sur la prochaine décennie, notamment à travers sa filiale Mini, qui abandonnera complètement le thermique d’ici dix ans. L’américain General Motors, signataire de plusieurs accords internationaux, envisage une baisse drastique de ses modèles polluants mais sans s’engager pleinement sur une date stricte pour l’exclusivité électrique.
L’impact social et industriel de la fin programmée des moteurs thermiques en Europe
La perspective d’un arrêt total des véhicules thermiques d’ici 2035, voire avant pour certains acteurs, crée une profonde inquiétude quant à l’avenir de l’emploi dans le secteur automobile européen. En Allemagne, par exemple, près de 800 000 emplois directs dépendent encore aujourd’hui des technologies liées aux moteurs à combustion. Leur disparition programmée pose la question de la reconversion et de la protection sociale.
Les efforts de transformation industrielle exigent des investissements considérables pour adapter ou reconstruire les infrastructures de production, former les salariés aux nouvelles compétences et trouver un équilibre économique viable. Le marché européen peine par ailleurs à absorber les volumes nécessaires pour une production 100% électrique. En témoigne la baisse de 17% des ventes automobiles sur le continent entre 2000 et 2025, contrastée par la montée fulgurante des exportations chinoises, qui ont été multipliées par dix depuis 2010.
Renault, par exemple, fait face à une contraction de ses ventes sur un marché saturé, tandis que Ford et Stellantis ont déjà annoncé des suppressions massives d’emplois et le recours au chômage partiel dans plusieurs usines européennes faute d’une demande suffisante pour leurs modèles électriques. Ces évolutions soulignent la nécessité d’un accompagnement fort pour éviter une crise sociale majeure.
La France n’est pas épargnée par ces bouleversements : la baisse de 12% des ventes de véhicules neufs en 2025 par rapport à l’année précédente illustre un marché en net recul. Malgré une croissance timide de l’électrique qui représente environ 16% des ventes, l’écart avec les attentes est encore trop grand pour garantir une transition douce. L’enjeu est donc bien d’éviter que l’arrêt du thermique ne se solde par une chute catastrophique de la production industrielle.
Poster un Commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.